Notre premier maison de MUANDA
Vous direz la joie, le bonheur en voyant cette terre d’Afrique, ce cher Congo, objet de tous nos vœux, est impossible.
Sœur marie Elisa, S.C.J.M. 5 février 1892,
Initialement, les pères de Schuetz n’avaient aucune intention d’établir une maison à Muanda. Ils savaient cependant que la Croix-Rouge menait des négociations avec le gouvernement Congolais afin d’y ouvrir un hôpital. En juillet 1890, le père Albert Gueluy avait rencontré en Belgique une personne charitable qui se proposait de fonder la Première institution des Sœurs missionnaires le long de la côte. Cette personne préférait garder l’anonymat et lui avait demandé de s’informer auprès du gouvernement congolais s’il se trouvait à Muanda, à proximité des terrains prévus pour la Croix-Rouge, assez d’espace pour une maison de religieuses, un orphelinat, une église, un bâtiment pour les pères, et des jardins. Elle désirait encore connaître le prix de l’hectare et demandait si 20.000 FB suffiraient pour un bâtiment en fer
Le Père Guelux prit au sujet de cette offre tous les contacts nécessaires : avec le gouvernement congolais, avec son supérieur général le P. Van Aartselaar et avec le supérieur général des Sœurs de la Charité de Jésus et de marie, le Chanoine Roelandts.
Dès décembre 1890 le gouvernement congolais était disposé à mettre environ 200 ha à la disposition de la première fondation des Sœurs charité à Muanda des terrains pour les Sœurs de la Charité. Mais ce n’est que le 22 avril 1891 que l’affaire fut conclue et que les propriétaires prêtèrent à la Croix-Rouge et à la maison des Sœurs de la charité 400 ha de terres, situées au sud de la Muanda, à la condition que les terrains ne serviraient jamais à des fins commerciales. Le père Garmyn était chargé de la construction de la maison des Sœurs. En Février 1891 Schuetz employa l’ingénieur agronome Hyacinthe Vanderriest comme aide laïque volontaire. Le père Cambier aida aussi aux travaux de construction jusqu’à la mi-août avant d’aller fonder la maison de Luluabourg Saint Joseph au Kasaï. La maison des Sœurs achevée, le Pro-Vicaire, le Père Huberlant en informa le Chanoine Roelandts et lui fit savoir que les meubles devaient arriver à Muanda un mois avant l’arrivée des Sœurs
Les Sœurs de la Charité de Jésus et de maie son enfin arrivées à Banana le 10 janvier 1892 pour s’installer à Mouanda trois jours plus tard. Les 10 Sœurs de la première caravane restèrent ensemble jusqu’au 15 mars 1892. A cette date, le groupe fut scindé en deux. Cinq Sœurs quittèrent Muanda et partirent pour la fondation dz Kinkanda, près de Matadi et les cinq autres restèrent sur place, notamment : Sœurs Elisa, nommée Supérieure, Sœurs Marie, Sœurs Africaine, Sœur Etienne et sœur Godefroid.
D’après un accord avec l’Etat Indépendant du Congo, le premier but de la mission de Muanda était de desservir un sanatorium que la Croix-Rouge établirait pour les blancs convalescents. Mais le sanatorium ne fut jamais construit. Les missionnaires de Schuetz avaient compris qu’ils ne pouvaient réussir leur apostolat dans la région de Luanda, c’est pourquoi ils décidèrent de transférer une quarantaine d’élèves de leurs colonies scolaires de Boma à la nouvelle mission. Le gouvernement congolais offrit alors aux Sœurs de la Charité d’installer également une colonie scolaire pour filles.
Dans cette région du Congo qui a été dépeuplée par le commerce des esclaves, des relations entre les autochtones et les étrangers avaient surtout un caractère commercial. Ce fait a rendu le travail des Sœurs beaucoup plus difficile. Au début, les villageois refusaient d’envoyer leurs enfants dans les missions de crainte peut-être qu’ils ne soient vendus comme esclaves. Le souvenir de la traite d’esclave n’était pas encore complètement effacé. Rappelons que Manoël Joachim d’Oliveira, le commerçant portugais qui avait cédé, à Mouanda, des terrains aux missions catholiques, était un ancien négrier.
Les Sœurs remarqueront bien vite que la population de cette région croyait réellement que les blancs étaient des anthropophages. Une Sœur cite le cas d’un homme qui, en recevant de la viande de la part du père de Dryse, demandait si ce n’était pas de la chair humaine.
A vrai dire, l’impact de l’évangélisation sur cette région côtière était imperceptible au commencement. Les Sœurs, pas plus que les Pères ne parvenaient à recruter des enfants dans les environs. Les Premières pensionnaires des Sœurs étaient des filles rachetées ou libérées de l’esclavage. Ce sont des BANGALA, des BAYANZI, des BAZOKO dont elles parlaient dans leurs lettres
La Sœurs Etienne écrivait à ses supérieurs le 21 septembre 1892 :
A n’es pas douter vous êtes déjà instruits sur des nouvelles concernant les enfants de BANGALA envoyées par l’Etat ; le bon Dieu nous en a procuré d’autres des environs.
Nous avons maintenant une KAMBIZI, une FONZI, une Poigné, une FITTA et les trois autres baptisés que vous connaissez. La chère Sœur Africaine est leurs maitresse, elles causent déjà quelques lettres, on leur enseigne les paroles de l’Ave VERUM, et pendant la Sainte Messe, elles chantent avec nous….¨
Elle ajoute ensuite l’horaire de la journée des enfants avec les différentes activités. Les Sœurs aimaient beaucoup les enfants et leur Grand désir était d’en faire de bonnes chrétiennes. Leur temps était absorbé par les multiples besognes du ménage, car elles devaient tout faire pour elles et pour Pères. Parfois, elles accompagnaient le Père dans un village des environs au chevet d’un malade, elles apprenaient ainsi à connaître les coutumes et habitudes de la population.
Une des épreuves les plus dures pour les missionnaires fut le climat avec le soleil brûlant et fréquentes fièvres dont elles étaient atteintes. Mais malgré toutes les souffrances, on est frappé de constater que la joie régnait toujours chez les Sœurs et que leur confiance dans la Providence restait grande.
Pendant plusieurs années, la colonie scolaire pour filles restait le centre des activités et des préoccupations des Sœurs. Les enfants étaient toujours envoyées du Haut-Congo.
En 1970, à l’occasion des 50 anniversaires de la fondation du Petit Séminaire de MBATA-KIELA (Bas-Zaïre) dont il était ancien élève, feu le Cardinal MALULA, d’heureuse mémoire, rendit visite aux Sœurs de la Charité à Mouanda. Il retrouva dans la liste des élèves le nom de sa maman ! En effet, BULUMBU jeanne fut élève à la colonie scolaire de Muanda du 12 septembre 1897 au 5 juin 1900
Le 25 avril 1907, Sœur Iris écrivait qu’il y avait à l’école 250 filles dont une cinquantaine de mois de 7 ans. Le recrutement des élèves originaires de la région de Muanda même est demeuré longtemps très difficile parce que les autochtones avaient très mal accepté la concession d’un terrain de 400 ha aux missionnaires. Durant de longues années, ils vivaient dans la crainte d’une nouvelle extension de la mission, pour cette raison ils boudèrent longtemps cette institution scolaire La colonie scolaire fut supprimée par l’Etat en 1932.
Muanda, premier champ apostolique des Sœurs de la Charité de Jésus et de marie au Congo ; est aussi le berceau de la vie religieuse pour les jeunes filles autochtones. Celles-ci commenceront leur formation vers 1924.
Deux des aînées des Sœurs de la Charité de jésus et de Marie congolaises étaient des anciennes élèves de la colonie scolaire de Mouanda : BOLUMBU Alphonsine (feu Sœurs Camilla) et Gemma LISASI Angèle (feu Sœur Bernadette communément appelée ¨Yaya MBUTA¨).
Bon an mal, la maison Notre-Dame d’Afrique tient le coup, et la présence des Sœurs de la Charité de Jésus et de Marie n’a pas été interrompue à Mouanda depuis un siècle ! Les Sœurs se sont succédée, Etrangères, Africaines, servant leurs frères et sœurs à travers différentes activités et œuvres, affrontant les difficultés de la vie missionnaire comme soutenues et encouragées par leurs Sœurs pionnières qui reposent dans le petit cimetière du couvent.
La création de la Société Pétrolière SOZIR a provoqué depuis deux décennies le déplacement de la population à plus de 6 km de la mission. Malgré cela, les Sœurs s’occupent encore de l’éducation et de l’instruction des filles à l’école primaire et au Lycée « MBUETETE YA MBU » avec son internat.
En 1921, il existait un hôpital, un dispensaire et une maternité en CHIBECKS.
Du côté médical, les Sœurs assurent depuis quelques années la gestion de l’hôpital de l’Etat, de la maternité et de la Pharmacie de la SOZIR. Fidèle aussi à sa proximité de l’Océan Atlantique, la communauté assure un service d’hôtellerie en vue de permettre aux Sœurs et aux autres de refaire leurs forces physiques et spirituelles par une retraite ou un repos après une période d’intense activité.